Pourquoi les grands clubs viennent tous de province

A l'exception du Real Madrid, les plus grandes équipes européennes se sont développées en dehors des capitales et des grandes villes. La révolution industrielle y est pour beaucoup.





Chose surprenante, les plus grands clubs de football européens ne viennent pas des principales villes européennes. Manchester United, le Milan AC, le FC Barcelone et le Bayern Munich sont tous des clubs de province. D'après une étude récente menée par des chercheurs de Sport+Markt dans les sept plus grands pays d'Europe, l'équipe la plus populaire n'est jamais celle de la capitale. Prenons l'exemple typique de la ville de province possédant un grand club, Manchester. Ce qui s'y est passé a préfiguré ce que des villes comme Barcelone et Milan ont connu par la suite. En 1878, un club de foot, Newton Heath, y a été créé pour les employés d'une compagnie de chemin de fer. Ils affrontaient d'autres équipes d'ouvriers, avec leurs chaussures de travail aux pieds. Newton Heath est bien sûr l'ancêtre de Manchester United. Ce qui compte ici, ce sont les origines. Les ouvriers “arrivaient des quatre coins du pays pour répondre à la demande grandissante en locomotives et en wagons”, rappelle Jim White dans Manchester United : The Biography [Manchester United : la biographie, non traduit en français]. Pendant la révolution industrielle, la population de Manchester a explosé, passant de 84 000 habitants en 1800 à 1,25 million en 1900. La plupart des Mancuniens sont des migrants déracinés. Sans attaches dans une ville si cruelle qu'elle a inspiré à Karl Marx l'idée du communisme, beaucoup se sont intéressés aux clubs de foot locaux. Le football leur a permis de retrouver un certain sens de la vie en communauté, semblable à leur manière de vivre dans les villages.

Dans d'autres cités industrielles britanniques aussi, les migrants se sont attachés aux clubs de foot avec une ferveur méconnue dans les villes plus anciennes. Leur soutien a fait le succès de ces équipes, succès qui, à son tour, a attiré d'autres supporters, au Royaume-Uni puis à l'étranger. La plupart des plus grandes villes du football européen ont d'abord été de nouveaux centres industriels. Les clubs se sont davantage développés dans ces endroits que dans les capitales ou dans les villes où la hiérarchie était plus figée. C'est pourquoi aucune équipe de Paris, de Londres ou de Berlin n'a gagné la Ligue des champions. Dans la plupart des grandes villes du foot européen, les migrants de l'industrie sont arrivés en masse à la fin du XIXe siècle. Munich comptait 100 000 habitants en 1852, et cinq fois plus en 1901. Au cours de la même période, la population de Barcelone a triplé pour atteindre 533 000 habitants.

Une seconde étape a été franchie dans l'essor du football au cours des années 1950 et 1960. Pendant le “miracle économique” de l'Italie d'après-guerre, de nombreux paysans pauvres venus du Sud se sont installés dans le Nord. Ils se sont souvent retrouvés à Turin, à fabriquer des voitures chez Fiat, et ont supporté l'équipe locale, la Juventus. Dans toutes ces villes, la fin de la révolution industrielle a été douloureuse, mais elle a laissé des clubs de foot idolâtrés. C'étaient des cités où la hiérarchie sociale était la moins figée, où les liens affectifs entre les personnes et le lieu étaient les plus lâches. Il y avait un vide émotionnel à combler. Si on les compare avec des villes traditionnellement plus aisées comme Oxford, Cambridge, Cheltenham, Canterbury et York, en Angleterre, qui comptent toutes plus de 100 000 habitants, on constate qu'aucune de ces villes ne dispose d'un grand club de football. Dans les endroits où la hiérarchie est bien déterminée, les gens n'ont pas besoin du foot pour s'intégrer.

La grande exception à la règle reste le Real Madrid, un grand club dans une capitale. Le Real a construit sa réputation dans les années 1950, pendant le régime fasciste de Franco. La dictature détournait les ressources au profit de la capitale. L'essor qu'a connu le Real sous Franco s'est poursuivi jusqu'à aujourd'hui, tout comme celui qu'a connu Barcelone grâce à une industrialisation frénétique. Paris et Londres, les deux villes géantes de l'Europe, finiront peut-être par gagner la Ligue des champions. Et ce n'est qu'à cet instant qu'elles domineront véritablement la vie dans leur pays





courrierinternational.com

Très interessant cet article bruno

J'avais fais le classement des les championnat Européen et comme dit dans ton article, c'est pas forcément les clubs des capitales le mieux classé. Le bon exemple est En France avec le PSG (15ème)

A l'époque ou le foot se développait en Europe, les villes qui cartonnaient étaient des villes qui avaient un poids économique et/ou social dans la vie du pays. Paris, Londres, etc. sont des capitales politiques. Maintenant les nouveaux clubs sont ceux des nouvelles grandes villes et les grands clubs d'avant ne sont plus beaucoup. Le foot suit l'évolution. Il s'étire a l'Est comme l'Économie.

Je m'inquiète juste de Manchester qui est en train de couler doucement mais surement. Serais ce le prochain mythe a tomber ?

on peut aussi parler de St Etienne qui a eu de beaux résultats sur la scene national et en europe dans les années 70. La ville est une petite ville qui a toujours été très ouvrière avant le XXIème siècle